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[e-jour 1 - Navire] Texte de Chiara
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[e-jour 1 - Navire] Texte de Chiara
"Le froid.
Je me souviens du froid surtout.
Ce froid qui te brûle les membres et serre ta tête dans un étau.
Et puis de l'obscurité.
Une obscurité plus noire que la nuit la plus noire, ma colobrinette (1).
Du froid, de l'obscurité et aussi du silence.
Mes oreilles percevaient les clapotis de l'eau, ma respiration haletante, mais quand j'essayais au delà de guetter des cris, des appels ou n'importe quel autre son humain, il n'y avait que le silence."
Le vieil homme, sur le fauteuil de bois au bord du ponton, une couverture sur les genoux, baissa la tête vers la petite fille assise à ses pieds. Elle leva les yeux et l'encouragea à continuer d'un regard interrogateur.
"Je me suis demandé si je devais nager. Mais vers où ? Je n'avais plus aucune idée des directions sauf pour une chose : l'air était en haut et l'eau en bas. Je ne savais pas non plus s'il valait mieux bouger pour tenter de me réchauffer ou rester immobile pour essayer d'économiser mes forces.
Je ne sais pas combien de temps est passé comme ça, pas plus de quelques minutes je suppose, l'eau était de toute façon trop froide pour que j'y survive longtemps.
Je ne sentais plus mes jambes au dessous du genou, et au dessus je souffrais atrocement. Je commençais à me résigner à mourir là, seul, au milieu de nulle part."
Il se tut. La petite fille avait enlevé ses sandales et se grattait le dessus des pieds. Quand le silence eut duré une minute ou deux elle se leva et grimpa aux genoux du vieil homme comme à un arbre. Il l'entoura doucement de ses bras ; elle posa la tête sur son épaule, et le fixa en silence.
Derrière eux le soleil était en train de se lever et la couleur rose avait envahi jusqu'à l'autre côté de l'horizon.
Il reprit.
"C'est alors que j'ai senti une présence sur ma droite. Je ne sais pas comment je l'ai sentie, je n'y voyais rien et il n'y avait eu aucun bruit. C'était comme une légère variation de la pression dans l'air et dans l'eau. J'ai pensé à un requin et je me suis tourné brusquement. J'ai entendu l'éclaboussure qu'avait produit mon geste, puis le silence est retombé. Je ne sentais plus rien à présent.
Puis la présence est revenue graduellement, cette fois je la sentais tout autour de moi, et j'ai vu apparaître quelque chose... je ne sais pas comment te l'expliquer, je voyais sans voir, je ne voyais pas par mes yeux, je percevais une étrange lueur verte comme si elle avait filtré directement à travers ma conscience.
Il y avait aussi une vibration, pas vraiment un son, quelque chose qui était en train de devenir un son.
La lueur a pris forme et c'était une forme féminine, très grande, elle était penchée sur moi, je voyais ses yeux très étirés et ses cheveux très longs, qui glissaient le long de son torse et s'épanouissaient dans l'eau.
Je me suis rendu compte que l'eau était devenue tiède. Cette forme m'entourait de ses bras, me berçait doucement. La vibration était devenue un chant, fait de dizaines de voix."
"C'était une sirène, Papy ?"
"Oui, je crois, ma colobrinette. Une sirène"
"Et ensuite ?"
"Ensuite je ne me souviens de rien. J'ai dû m'endormir, ou m'évanouir. On m'a raconté qu'on m'avait retrouvé au matin, échoué sur une plage. Je serrais dans ma main une poignée de longues algues vertes qu'ils ont eu toutes les peines du monde à me faire lâcher pour m'emmener à l'hôpital.
On n'a jamais retrouvé les autres membres d'équipage."
Le vieil homme se tut à nouveau, mélancolique, plongé dans des souvenirs dont il ne savait plus très bien s'ils étaient doux ou tristes. Au bout d'un moment il leva les yeux et sourit à la petite fille.
"Viens ma colobrinette, il est l’heure de rentrer, ta mère a dû faire le café ; elle va s'inquiéter si elle ne nous voit pas revenir."
La fillette acquiesça, descendit des genoux de son grand père et s'assit pour remettre ses sandales. Le soleil était complètement levé à présent. Dans ses cheveux blonds brilla fugitivement un étrange reflet vert. Elle se releva en époussetant sa robe. Le vieil homme s'était levé lui aussi, avait replié sommairement la couverture qu'il câla sous son bras gauche, et tendit la main droite à la petite fille.
Tous deux s'éloignèrent, laissant leurs ombres inégales glisser sur les planches du ponton.
Note :
(1) la colobrinette est un petit lézard, je me souviens d'avoir entendu le mot dans le Sud Ouest, mais google n'en trouve pas la trace... on dit aussi "larmouise" en patois dauphinois.
Je me souviens du froid surtout.
Ce froid qui te brûle les membres et serre ta tête dans un étau.
Et puis de l'obscurité.
Une obscurité plus noire que la nuit la plus noire, ma colobrinette (1).
Du froid, de l'obscurité et aussi du silence.
Mes oreilles percevaient les clapotis de l'eau, ma respiration haletante, mais quand j'essayais au delà de guetter des cris, des appels ou n'importe quel autre son humain, il n'y avait que le silence."
Le vieil homme, sur le fauteuil de bois au bord du ponton, une couverture sur les genoux, baissa la tête vers la petite fille assise à ses pieds. Elle leva les yeux et l'encouragea à continuer d'un regard interrogateur.
"Je me suis demandé si je devais nager. Mais vers où ? Je n'avais plus aucune idée des directions sauf pour une chose : l'air était en haut et l'eau en bas. Je ne savais pas non plus s'il valait mieux bouger pour tenter de me réchauffer ou rester immobile pour essayer d'économiser mes forces.
Je ne sais pas combien de temps est passé comme ça, pas plus de quelques minutes je suppose, l'eau était de toute façon trop froide pour que j'y survive longtemps.
Je ne sentais plus mes jambes au dessous du genou, et au dessus je souffrais atrocement. Je commençais à me résigner à mourir là, seul, au milieu de nulle part."
Il se tut. La petite fille avait enlevé ses sandales et se grattait le dessus des pieds. Quand le silence eut duré une minute ou deux elle se leva et grimpa aux genoux du vieil homme comme à un arbre. Il l'entoura doucement de ses bras ; elle posa la tête sur son épaule, et le fixa en silence.
Derrière eux le soleil était en train de se lever et la couleur rose avait envahi jusqu'à l'autre côté de l'horizon.
Il reprit.
"C'est alors que j'ai senti une présence sur ma droite. Je ne sais pas comment je l'ai sentie, je n'y voyais rien et il n'y avait eu aucun bruit. C'était comme une légère variation de la pression dans l'air et dans l'eau. J'ai pensé à un requin et je me suis tourné brusquement. J'ai entendu l'éclaboussure qu'avait produit mon geste, puis le silence est retombé. Je ne sentais plus rien à présent.
Puis la présence est revenue graduellement, cette fois je la sentais tout autour de moi, et j'ai vu apparaître quelque chose... je ne sais pas comment te l'expliquer, je voyais sans voir, je ne voyais pas par mes yeux, je percevais une étrange lueur verte comme si elle avait filtré directement à travers ma conscience.
Il y avait aussi une vibration, pas vraiment un son, quelque chose qui était en train de devenir un son.
La lueur a pris forme et c'était une forme féminine, très grande, elle était penchée sur moi, je voyais ses yeux très étirés et ses cheveux très longs, qui glissaient le long de son torse et s'épanouissaient dans l'eau.
Je me suis rendu compte que l'eau était devenue tiède. Cette forme m'entourait de ses bras, me berçait doucement. La vibration était devenue un chant, fait de dizaines de voix."
"C'était une sirène, Papy ?"
"Oui, je crois, ma colobrinette. Une sirène"
"Et ensuite ?"
"Ensuite je ne me souviens de rien. J'ai dû m'endormir, ou m'évanouir. On m'a raconté qu'on m'avait retrouvé au matin, échoué sur une plage. Je serrais dans ma main une poignée de longues algues vertes qu'ils ont eu toutes les peines du monde à me faire lâcher pour m'emmener à l'hôpital.
On n'a jamais retrouvé les autres membres d'équipage."
Le vieil homme se tut à nouveau, mélancolique, plongé dans des souvenirs dont il ne savait plus très bien s'ils étaient doux ou tristes. Au bout d'un moment il leva les yeux et sourit à la petite fille.
"Viens ma colobrinette, il est l’heure de rentrer, ta mère a dû faire le café ; elle va s'inquiéter si elle ne nous voit pas revenir."
La fillette acquiesça, descendit des genoux de son grand père et s'assit pour remettre ses sandales. Le soleil était complètement levé à présent. Dans ses cheveux blonds brilla fugitivement un étrange reflet vert. Elle se releva en époussetant sa robe. Le vieil homme s'était levé lui aussi, avait replié sommairement la couverture qu'il câla sous son bras gauche, et tendit la main droite à la petite fille.
Tous deux s'éloignèrent, laissant leurs ombres inégales glisser sur les planches du ponton.
Note :
(1) la colobrinette est un petit lézard, je me souviens d'avoir entendu le mot dans le Sud Ouest, mais google n'en trouve pas la trace... on dit aussi "larmouise" en patois dauphinois.
chiara- thé noir
- Messages : 2272
Date d'inscription : 23/09/2008
Age : 52
Localisation : lyon
Re: [e-jour 1 - Navire] Texte de Chiara
Une belle histoire, aux confins du merveilleux
_________________
"In tasso veritas"
" Ce serait encore plus beau si je pouvais le montrer à quelqu'un" (Samivel)
Y'a des jours "avec" et y'a des jours "sans". Les jours "sans", faut faire avec...
Apsara- Thé Aromatisé
- Messages : 7137
Date d'inscription : 11/01/2008
Age : 74
Localisation : Entre mes deux oreilles...
Re: [e-jour 1 - Navire] Texte de Chiara
J'aime beaucoup cette interprétation du "au loin", et tu écris très très bien... Je suis épatée par la longueur que tu as produit en une heure seulement!
Re: [e-jour 1 - Navire] Texte de Chiara
merci à vous !
je ne sais pas trop combien de temps j'y ai passé (^pas plus d'une heure et demi saisie comprise), la rédaction elle même a été très vite ; l'histoire est venue toute seule, comme une BD, avec des images à transcrire plus que des mots... le point de départ a été justement le petit surnom "colobrinette"... je ne sais pas pourquoi...
je ne sais pas trop combien de temps j'y ai passé (^pas plus d'une heure et demi saisie comprise), la rédaction elle même a été très vite ; l'histoire est venue toute seule, comme une BD, avec des images à transcrire plus que des mots... le point de départ a été justement le petit surnom "colobrinette"... je ne sais pas pourquoi...
chiara- thé noir
- Messages : 2272
Date d'inscription : 23/09/2008
Age : 52
Localisation : lyon
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